ISABELLE CHOLLET, ARTISAN RELIEUR
Rue Auguste Brizeux, en haut du marché Talensac. Cest là quest installée Isabelle : dans un atelier-tanière où sentassent livres, encyclopédies, manuels, cartons... Son métier, sa passion, il suffit de les lire sur ses mains marquées par les travaux. Dès quelle en parle, ce sont des yeux qui brillent, un visage qui sillumine. On a donc préferé lui laisser la parole. Morceaux choisis.
Cela fait six ans que je suis dans cet atelier. Au tout début, jétais dans un local HLM à la Boissière. Juste en face du champ de courses. Jétais baignée de verdure ! Puis je suis passée aux 50 otages, à lIlôt Boucherie. A lépoque, ils voulaient y construire un bâtiment pour y installer la FNAC, donc jai été mise à la porte. Mais, je ne regrette pas, cétait un tout petit atelier, tout en long, très sombre. Et puis, ici Talensac, jaime beaucoup : ça fait village. Et avec lanimation du marché, il y a du passage dans la rue.
Depuis la 6ème, je voulais faire du dessin. Arrivée au lycée, on ma orienté vers un bac B (économique) alors que cela ne mintéressait pas...enfin, jai quand même eu mon bac. Une fois en poche, je suis montée à Paris pour une année de préparation aux Beaux-Arts. Puis, je suis rentrée à Nantes aux Beaux-Arts, mais je suis partie vite fait...Je naimais pas lambiance. Alors, je me suis mise à chercher un apprentissage en bijouterie. Ne me demandez pas pourquoi, je ne saurais pas vous dire! Sans doute parce quil y a beaucoup de dessin. Ne trouvant pas de maître dapprentissage, je suis entrée aux Arts Déco de Strasbourg, en 2è année de CAP dorfèvrerie. Au sein de lécole, il y avait beaucoup dateliers et quand jai vu ce quils faisaient en reliure, je me suis dit : cest ça que je veux ! Alors voilà...Au début, je faisais une journée dorfèvrerie et une 1/2 journée de reliure. Au bout de trois mois, cétait linverse. Et, je ne regrette pas!
On baigne dans le vieux, ici! Ce ne sont que des vieilles machines, mais bon, cela ne vaut pas celles du Musée de limprimerie : elles sont plus belles.
La presse date de la fin du 18è, début du 19è. Le massicot et les cisailles sont un peu plus récents. Si vous aviez vu dans quel état je les avais récupérés ! Je les ai achetés à un relieur à Caen, deux mois après avoir quitté lécole, pour mon installation. Cétait dans un état! Tout rouillé! Jai tout trouvé en pièces détachées, il a fallu tout remonter.
Ah, cest quelles ont voyagé ces machines. Elles appartenaient à un relieur installé en Algérie. Au moment de lindépendance, il a tout ramené à Caen. À son décès, son fils a repris laffaire, mais avec une grosse charge familiale, les choses nétaient pas simples pour lui...Il a donc entreposé les machines, puis a fini par les vendre.
Premièrement, il y a le livre. Sa forme, son contenu,...Deuxièmement, il y a le contact avec les gens. Ils viennent avec leurs livres, ils men parlent, on échange : cest un enrichissement personnel"
Alors,
il y a les particuliers et les Administrations. Mais disons quavec
lAdministration, cest purement alimentaire. Car, il
faut le savoir , cest sur le travail en série, quon
gagne un peu.
Avec la clientèle privée, cest autre chose
: ce nest pas froid, il y a un rapport particulier que je
ne retrouve pas avec ladministration. Il y a plus de sentiments."
"Ce sont des gens passionnés ! Et moi, je protège
leurs ouvrages.
Avec
la clientèle de particuliers, il est plus difficile de
poser les prix. Pour la reliure, il y a un barême fixe,
donc il ny a aucun problème. Mais pour la restauration,
il sagit dune évaluation. Et il y a toujours
des surprises...Difficile de changer alors le prix en cours de
route.
Je n'aime pas ce rapport à largent. Mais, je
me rends compte que pour les autres artisans, cest pareil.
Je ne deviendrai jamais riche... Pour cela, il faudrait que jécrase
un peu mon coeur.
Cest
vrai quil y a un côté ours. On accepte de travailler
tout seul dans son coin.
Le métier grignote la vie. À vrai dire, on
sen défend pas vraiment...Si, des fois, je me dis:
il-faut-que-je-moccupe-de-ma-fille.
On a limpression dêtre libre. Je peux
fermer latelier quand je veux, cest une liberté
énorme... mais en même temps le boulot grignote...
Enfin, quand je le ferme, cest pour aller voir une expo
pour latelier.
Ma fille !?...elle ne supporte plus latelier. Il y a un
passage de latelier à la cuisine. Elle ne veut plus
que je passe par là. Pour bien marquer la coupure, elle
insiste pour que je sorte de latelier et entre par la porte
dentrée de la maison.
Je me suis installée en Octobre, elle naissait en
Novembre. Enceinte, je nettoyais mes machines en vue de mon installation.
À la naissance, cétait une petite crevette...
mais jai pas limpression quelle ait souffert
de tout ça
"Quand
on a pleinement le geste, c'est formidable! Mais, je n'ai
jamais vu un livre parfait sortir d'ici. Je ne rougis de rien,
cela tient au côté manuel : la main fait au mieux,
elle ne fait pas dans le parfait"
Cela fait partie de moi. Je ne me vois pas faire autre chose...Même
quand ça ne va pas financièrement.
Atelier
Isabelle Chollet, artisan relieur
13, rue Auguste Brizeux
44 000 Nantes
02 40 35 65 39
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